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  • Aimons toujours!
  • Être aimé
  • J'ai mis ma lèvre à ta coupe
  • Oh! pour remplir de moi ta rêveuse pensée
  • La pauvre fleur

Aimons toujours !

 

Aimons toujours ! Aimons encore ! 
Quand l'amour s'en va, l'espoir fuit. 
L'amour, c'est le cri de l'aurore, 
L'amour c'est l'hymne de la nuit.

Ce que le flot dit aux rivages, 
Ce que le vent dit aux vieux monts, 
Ce que l'astre dit aux nuages, 
C'est le mot ineffable : Aimons !

L'amour fait songer, vivre et croire. 
Il a pour réchauffer le cœur, 
Un rayon de plus que la gloire, 
Et ce rayon c'est le bonheur !

Aime, afin de charmer tes heures ! 
Afin qu'on voie en tes beaux yeux 
Des voluptés intérieures 
Le sourire mystérieux !

Aimons-nous toujours davantage ! 
Unissons-nous mieux chaque jour. 
Les arbres croissent en feuillage ; 
Que notre âme croisse en amour !

Victor Hugo

 

 

Être aimé

Écoute-moi. Voici la chose nécessaire :
Être aimé. Hors de là rien n'existe, entends-tu ? 
Être aimé, c'est l'honneur, le devoir, la vertu, 
C'est Dieu, c'est le démon, c'est tout. J'aime, et l'on m'aime. 
Cela dit, tout est dit. Pour que je sois moi-même, 
Fier, content, respirant l'air libre à pleins poumons, 
Il faut que j'aie une ombre et qu'elle dise : Aimons ! 
Il faut que de mon âme une autre âme se double, 
Il faut que, si je suis absent, quelqu'un se trouble, 
Et, me cherchant des yeux, murmure : Où donc est-il ? 
Si personne ne dit cela, je sens l'exil, 
L'anathème et l'hiver sur moi, je suis terrible, 
Je suis maudit. Le grain que rejette le crible, 
C'est l'homme sans foyer, sans but, épars au vent. 
Ah ! celui qui n'est pas aimé, n'est pas vivant. 
Quoi, nul ne vous choisit ! Quoi, rien ne vous préfère ! 
A quoi bon l'univers ? l'âme qu'on a, qu'en faire ? 
Que faire d'un regard dont personne ne veut ? 
La vie attend l'amour, le fil cherche le noeud. 
Flotter au hasard ? Non ! Le frisson vous pénètre ; 
L'avenir s'ouvre ainsi qu'une pâle fenêtre ; 
Où mettra-t-on sa vie et son rêve ? On se croit 
Orphelin ; l'azur semble ironique, on a froid ; 
Quoi ! ne plaire à personne au monde ! rien n'apaise 
Cette honte sinistre ; on languit, l'heure pèse, 
Demain, qu'on sent venir triste, attriste aujourd'hui, 
Que faire ? où fuir ? On est seul dans l'immense ennui. 
Une maîtresse, c'est quelqu'un dont on est maître ; 
Ayons cela. Soyons aimé, non par un être 
Grand et puissant, déesse ou dieu. Ceci n'est pas 
La question. Aimons ! Cela suffit. Mes pas 
Cessent d'être perdus si quelqu'un les regarde. 
Ah ! vil monde, passants vagues, foule hagarde, 
Sombre table de jeu, caverne sans rayons ! 
Qu'est-ce que je viens faire à ce tripot, voyons ?
J'y bâille. Si de moi personne ne s'occupe, 
Le sort est un escroc, et je suis une dupe. 
J'aspire à me brûler la cervelle. Ah ! quel deuil !
Quoi rien ! pas un soupir pour vous, pas un coup d'oeil ! 
Que le fuseau des jours lentement se dévide ! 
Hélas ! comme le coeur est lourd quand il est vide ! 
Comment porter ce poids énorme, le néant ? 
L'existence est un trou de ténèbres, béant ; 
Vous vous sentez tomber dans ce gouffre. Ah ! quand Dante 
Livre à l'affreuse bise implacable et grondante 
Françoise échevelée, un baiser éternel 
La console, et l'enfer alors devient le ciel. 
Mais quoi ! je vais, je viens, j'entre, je sors, je passe, 
Je meurs, sans faire rien remuer dans l'espace ! 
N'avoir pas un atome à soi dans l'infini ! 
Qu'est-ce donc que j'ai fait ? De quoi suis-je puni ? 
Je ris, nul ne sourit ; je souffre, nul ne pleure. 
Cette chauve-souris de son aile m'effleure, 
L'indifférence, blême habitante du soir. 
Être aimé ! sous ce ciel bleu - moins souvent que noir -
Je ne sais que cela qui vaille un peu la peine 
De mêler son visage à la laideur humaine, 
Et de vivre. Ah ! pour ceux dont le coeur bat, pour ceux 
Qui sentent un regard quelconque aller vers eux, 
Pour ceux-là seulement, Dieu vit, et le jour brille ! 
Qu'on soit aimé d'un gueux, d'un voleur, d'une fille, 
D'un forçat jaune et vert sur l'épaule imprimé, 
Qu'on soit aimé d'un chien, pourvu qu'on soit aimé !

Victor Hugo

 

J'ai mis ma lèvre à ta coupe


 

Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ;
Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ;
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;

Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire
Les mots où se répand le cœur mystérieux ;
Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux ;

Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ;
Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours ;

Je puis maintenant dire aux rapides années :
- Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !
Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !

Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !
Mon cœur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !


Victor Hugo
 

Oh ! pour remplir de moi ta rêveuse pensée

Oh ! pour remplir de moi ta rêveuse pensée, 
Tandis que tu m'attends, par la marche lassée, 
Sous l'arbre au bord du lac, loin des yeux importuns, 
Tandis que sous tes pieds l'odorante vallée, 
Toute pleine de brume au soleil envolée, 
Fume comme un beau vase où brûlent des parfums ;

Que tout ce que tu vois, les coteaux et les plaines, 
Les doux buissons de fleurs aux charmantes haleines, 
La vitre au vif éclair, 
Le pré vert, le sentier qui se noue aux villages, 
Et le ravin profond débordant de feuillages 
Comme d'ondes la mer,

Que le bois, le jardin, la maison, la nuée, 
Dont midi ronge au loin l'ombre diminuée, 
Que tous les points confus qu'on voit là-bas trembler, 
Que la branche aux fruits mûrs ; que la feuille séchée, 
Que l'automne, déjà par septembre ébauchée, 
Que tout ce qu'on entend ramper, marcher, voler,

Que ce réseau d'objets qui t'entoure et te presse, 
Et dont l'arbre amoureux qui sur ton front se dresse 
Est le premier chaînon ; 
Herbe et feuille, onde et terre, ombre, lumière et flamme, 
Que tout prenne une voix, que tout devienne une âme, 
Et te dise mon nom !

Victor Hugo

 

 

 

La pauvre fleur

 

La pauvre fleur disait au papillon céleste 
— Ne fuis pas ! 
Vois comme nos destins sont différents. Je reste, 
Tu t'en vas !

Pourtant nous nous aimons, nous vivons sans les hommes 
Et loin d'eux, 
Et nous nous ressemblons, et l'on dit que nous sommes 
Fleurs tous deux !

Mais, hélas ! l'air t'emporte et la terre m'enchaîne. 
Sort cruel ! 
Je voudrais embaumer ton vol de mon haleine 
Dans le ciel !

Mais non, tu vas trop loin ! — Parmi des fleurs sans nombre 
Vous fuyez, 
Et moi je reste seule à voir tourner mon ombre 
À mes pieds !

Tu fuis, puis tu reviens, puis tu t'en vas encore 
Luire ailleurs. 
Aussi me trouves-tu toujours à chaque aurore 
Toute en pleurs !

Oh ! pour que notre amour coule des jours fidèles, 
Ô mon roi, 
Prends comme moi racine, ou donne-moi des ailes 
Comme à toi !

Victor Hugo