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Douleur

 

Voici le temps passé de cette sombre lutte ; 
Vivant, mais épuisé, mais meurtri par la chute, 
A la taille de l'homme enfin redressons-nous ! 
Si l'avenir nous garde encore quelque disgrâce, 
Demeurons invincible à sa froide menace, 
Le regardant en face, 
Pour attendre ses coups.

Tenons au fond du cœur toute douleur captive, 
Qu'elle y fasse sa plaie ardente, et toujours vive, 
Qu'elle saigne au-dedans mais ne se montre pas ; 
Si l'on nous cherche au front quelque ride profonde, 
Jetons un fier sourire au regard qui nous sonde, 
Et soyons pour le monde 
Un heureux d'ici-bas.

Quand le chaume s'embrase on ne voit pas encore 
Le feu qui sourdement le broie et le dévore ; 
La surface au soleil étincelle et reluit ; 
Mais vienne l'ouragan, la flamme alors s'irrite, 
L'incendie apparaît, le toit se précipite, 
Et tout disparaît vite, 
Chaume, lumière et bruit.

Ainsi de nous, mon âme ! ainsi de notre vie !... 
Chaume vivant, en proie au muet incendie, 
Quand tout n'est plus que cendre, arrive l'aquilon ! 
Qu'en nous voyant tomber sans plainte et sans murmure, 
Le vulgaire s'écrie : Où donc est la blessure ? 
Point de sang à l'armure ;
Douleur, n'es-tu qu'un nom ?

Antoine de Latour