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  • À une femme
  • Certes, elle n'était pas femme
  • Le doigt de la femme
  • Les femmes sont sur la terre
  • Oh! n'insultez jamais une femme qui tombe

À une femme

 

Enfant ! si j’étais roi, je donnerais l’empire,
Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux
Et ma couronne d’or, et mes bains de porphyre,
Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire,
Pour un regard de vous !

Si j’étais Dieu, la terre et l’air avec les ondes,
Les anges, les démons courbés devant ma loi,
Et le profond chaos aux entrailles fécondes,
L’éternité, l’espace, et les cieux, et les mondes,
Pour un baiser de toi !

 

Victor HugoLes feuilles d’automne

 

 

Certes, elle n'était pas femme


 

Certes, elle n'était pas femme et charmante en vain, 
Mais le terrestre en elle avait un air divin. 
Des flammes frissonnaient sur mes lèvres hardies ; 
Elle acceptait l'amour et tous ses incendies, 
Rêvait au tutoiement, se risquait pas à pas, 
Ne se refusait point et ne se livrait pas ; 
Sa tendre obéissance était haute et sereine ; 
Elle savait se faire esclave et rester reine, 
Suprême grâce ! et quoi de plus inattendu 
Que d'avoir tout donné sans avoir rien perdu ! 
Elle était nue avec un abandon sublime 
Et, couchée en un lit, semblait sur une cime. 
À mesure qu'en elle entrait l'amour vainqueur, 
On eût dit que le ciel lui jaillissait du coeur ; 
Elle vous caressait avec de la lumière ; 
La nudité des pieds fait la marche plus fière 
Chez ces êtres pétris d'idéale beauté ; 
Il lui venait dans l'ombre au front une clarté 
Pareille à la nocturne auréole des pôles ; 
À travers les baisers, de ses blanches épaules 
On croyait voir sortir deux ailes lentement ; 
Son regard était bleu, d'un bleu de firmament ; 
Et c'était la grandeur de cette femme étrange 
Qu'en cessant d'être vierge elle devenait ange. 

 

Victor Hugo

 

Le doigt de la femme

Dieu prit sa plus molle argile 
Et son plus pur kaolin, 
Et fit un bijou fragile, 
Mystérieux et câlin.

Il fit le doigt de la femme, 
Chef-d’œuvre auguste et charmant,
Ce doigt fait pour toucher l'âme 
Et montrer le firmament.

Il mit dans ce doigt le reste 
De la lueur qu'il venait 
D'employer au front céleste 
De l'heure où l'aurore naît.

Il y mit l'ombre du voile, 
Le tremblement du berceau, 
Quelque chose de l'étoile, 
Quelque chose de l'oiseau.

Le Père qui nous engendre
Fit ce doigt mêlé d'azur,
Très fort pour qu'il restât tendre,
Très blanc pour qu'il restât pur,

Et très doux, afin qu'en somme 
Jamais le mal n'en sortît, 
Et qu'il pût sembler à l'homme 
Le doigt de Dieu, plus petit.

Il en orna la main d'Eve, 
Cette frêle et chaste main 
Qui se pose comme un rêve 
Sur le front du genre humain.

Cette humble main ignorante, 
Guide de l'homme incertain, 
Qu'on voit trembler, transparente,
Sur la lampe du destin.

Oh ! dans ton apothéose, 
Femme, ange aux regards baissés, 
La beauté, c'est peu de chose, 
La grâce n'est pas assez ;

Il faut aimer. Tout soupire,
L'onde, la fleur, l'alcyon ;
La grâce n'est qu'un sourire,
La beauté n'est qu'un rayon ;

Dieu, qui veut qu'Eve se dresse
Sur notre rude chemin, 
Fit pour l'amour la caresse, 
Pour la caresse ta main.

Dieu, lorsque ce doigt qu'on aime 
Sur l'argile fut conquis, 
S'applaudit, car le suprême 
Est fier de créer l'exquis.

Ayant fait ce doigt sublime, 
Dieu dit aux anges : Voilà ! 
Puis s'endormit dans l'abîme ;
Le diable alors s'éveilla.

Dans l'ombre où Dieu se repose,
Il vint, noir sur l'orient, 
Et tout au bout du doigt rose 
Mit un ongle en souriant.

Victor Hugo

 

 

Les femmes sont sur la terre

Les femmes sont sur la terre 
Pour tout idéaliser ; 
L'univers est un mystère 
Que commente leur baiser.

C'est l'amour qui, pour ceinture, 
A l'onde et le firmament, 
Et dont toute la nature, 
N'est, au fond, que l'ornement.

Tout ce qui brille, offre à l'âme 
Son parfum ou sa couleur ; 
Si Dieu n'avait fait la femme, 
Il n'aurait pas fait la fleur.

A quoi bon vos étincelles, 
Bleus saphirs, sans les yeux doux ? 
Les diamants, sans les belles, 
Ne sont plus que des cailloux ;

Et, dans les charmilles vertes, 
Les roses dorment debout, 
Et sont des bouches ouvertes 
Pour ne rien dire du tout.

Tout objet qui charme ou rêve 
Tient des femmes sa clarté ; 
La perle blanche, sans Eve, 
Sans toi, ma fière beauté,

Ressemblant, tout enlaidie, 
A mon amour qui te fuit, 
N'est plus que la maladie 
D'une bête dans la nuit.


Victor Hugo

 

Oh ! n'insultez jamais une femme qui tombe

 

Oh ! n'insultez jamais une femme qui tombe ! 
Qui sait sous quel fardeau la pauvre âme succombe ! 
Qui sait combien de jours sa faim a combattu ! 
Quand le vent du malheur ébranlait leur vertu, 
Qui de nous n'a pas vu de ces femmes brisées 
S'y cramponner longtemps de leurs mains épuisées ! 
Comme au bout d'une branche on voit étinceler 
Une goutte de pluie où le ciel vient briller, 
Qu'on secoue avec l'arbre et qui tremble et qui lutte, 
Perle avant de tomber et fange après sa chute !

La faute en est à nous ; à toi, riche ! à ton or ! 
Cette fange d'ailleurs contient l'eau pure encor. 
Pour que la goutte d'eau sorte de la poussière, 
Et redevienne perle en sa splendeur première, 
Il suffit, c'est ainsi que tout remonte au jour, 
D'un rayon de soleil ou d'un rayon d'amour !


Victor Hugo