La jeunesse
Tout le plaisir de vivre est
tenu dans vos mains,
Ô Jeunesse joyeuse, ardente,
printanière,
Autour de qui tournoie l'emportement
humain
Comme une abeille autour d'une branche fruitière
!
Vous courez dans les champs, et le vol d'un
pigeon
Fait plus d'ombre que vous sur l'herbe
soleilleuse.
Vos yeux sont verdoyants, pareils à deux
bourgeons,
Vos pieds ont la douceur des feuilles
cotonneuses.
Vous habitez le tronc fécond des
cerisiers
Qui reposent sur l'air leurs pesantes
ramures,
Votre cœur est léger comme un panier
d'osier
Plein de pétales vifs, de tiges et de
mûres.
C'est par vous que l'air joue et que le matin
rit,
Que l'eau laborieuse ou dolente
s'éclaire,
Et que les cœurs sont comme un jardin qui
fleurit
Avec ses amandiers et ses roses trémières
!
C'est par vous que l'on est vivace et
glorieux,
Que l'espoir est entier comme la lune
ronde,
Et que là bonne odeur du jour d'été
joyeux
Pénètre largement la poitrine profonde
!
C'est par vous que l'on est incessamment
mêlé
À la chaude, odorante et bruyante nature
;
Qu'on est fertile ainsi qu'un champ d'orge et de
blé,
Beau comme le matin et comme la
verdure.
Ah ! jeunesse, pourquoi faut-il que vous
passiez
Et que nous demeurions pleins d'ennuis et pleins
d'âge,
Comme un arbre qui vit sans lierre et sans
rosier,
Qui souffre sur la route et ne fait plus
d'ombrage...
Anna de Noailles