Le fantôme
D’un souffle printanier l’air
tout à coup s’embaume.
Dans notre obscur lointain un spectre s’est dressé,
Et nous reconnaissons notre propre fantôme
Dans cette ombre qui sort des brumes du passé.
Nous le suivons de loin,
entraînés par un charme
A travers les débris, à travers les détours,
Retrouvant un sourire et souvent une larme
Sur ce chemin semé de rêves et d’amours.
Par quels champs oubliés et
déjà voilés d’ombre
Cette poursuite vaine un moment nous conduit
Vers plus d’un mont désert, dans plus d’un vallon sombre,
Le fantôme léger nous égare après lui.
Les souvenirs dormants de la
jeunesse éteinte
S’éveillent sous ses pas d’un sommeil calme et doux ;
Ils murmurent ensemble ou leur chant ou leur plainte.
Dont les échos mourants arrivent jusqu’à nous.
Et ces accents connus nous
émeuvent encore.
Mais à nos yeux bientôt la vision décroît ;
Comme l’ombre d’Hamlet qui fuit et s’évapore,
Le spectre disparaît en criant : Souviens-toi !
Louise Ackermann