À celles qui pleurent
Vous surtout que je plains si
vous n'êtes chéries,
Vous surtout qui souffrez, je vous prends pour mes sœurs
:
C'est à vous qu'elles vont, mes lentes
rêveries,
Et de mes pleurs chantés les amères
douceurs.
Prisonnière en ce livre une âme est
contenue.
Ouvrez, lisez : comptez les jours que j'ai
soufferts.
Pleureuses de ce monde où je passe
inconnue,
Rêvez sur cette cendre et trempez-y vos
fers.
Chantez ! Un chant de femme attendrit la
souffrance.
Aimez ! Plus que l'amour la haine fait
souffrir.
Donnez ! La charité relève l'espérance
:
Tant que l'on peut donner on ne veut pas mourir
!
Si vous n'avez le temps d'écrire aussi vos
larmes,
Laissez-les de vos yeux descendre sur ces
vers.
Absoudre, c'est prier ; prier, ce sont nos
armes.
Absolvez de mon sort les feuillets entr'ouverts
!
Pour livrer sa pensée au vent de la
parole,
S'il faut avoir perdu quelque peu sa
raison,
Qui donne son secret est plus tendre que folle
:
Méprise-t-on l'oiseau qui répand sa chanson
?
Marceline Desbordes-Valmore