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Mars

En mars, quand s’achève l’hiver,
Que la campagne renaissante
Ressemble à la convalescente
Dont le premier sourire est cher ;

 

Quand l’azur, tout frileux encore,
Est de neige éparse mêlé,
Et que midi, frais et voilé,
Revêt une blancheur d’aurore ;

 

Quand l’air doux dissout la torpeur
Des eaux qui se changeaient en marbres ;
Quand la feuille aux pointes des arbres
Suspend une verte vapeur ;

 

Et quand la femme est deux fois belle,
Belle de la candeur du jour,
Et du réveil de notre amour
Où sa pudeur se renouvelle,

 

Oh ! Ne devrais-je pas saisir
Dans leur vol ces rares journées
Qui sont les matins des années
Et la jeunesse du désir ?

 

Mais je les goûte avec tristesse ;
Tel un hibou, quand l’aube luit,
Roulant ses grands yeux pleins de nuit,
Craint la lumière qui les blesse,

 

Tel, sortant du deuil hivernal,
J’ouvre de grands yeux encore ivres
Du songe obscur et vain des livres,
Et la nature me fait mal.

 

René-François Sully Prudhomme

 

Juin

Pendant avril et mai, qui sont les plus doux mois,
Les couples, enchantés par l'éther frais et rose,
Ont ressenti l'amour comme une apothéose ;
Ils cherchent maintenant l'ombre et la paix des bois.

Ils rêvent, étendus sans mouvement, sans voix ;
Les coeurs désaltérés font ensemble une pause,
Se rappelant l'aveu dont un lilas fut cause
Et le bonheur tremblant qu'on ne sent pas deux fois.

Lors le soleil riait sous une fine écharpe,
Et, comme un papillon dans les fils d'une harpe,
Dans ses rayons encore un peu de neige errait.

Mais aujourd'hui ses feux tombent déjà torrides,
Un orageux silence emplit le ciel sans rides,
Et l'amour exaucé couve un premier regret.

René-François SULLY PRUDHOMME