Autres Profils

Contact

Vous pouvez me joindre en utilisant le formulaire de contact.

  • Avril
  • Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame
  • Nuits de juin
  • En mai

Avril


Louis, voici le temps de respirer les roses,
Et d’ouvrir bruyamment les vitres longtemps closes ;
Le temps d’admirer en rêvant
Tout ce que la nature a de beautés divines
Qui flottent sur les monts, les bois et les ravines
Avec l’onde, l’ombre et le vent !

Louis, voici le temps de reposer son âme
Dans ce calme sourire empreint de vague flamme
Qui rayonne au front du ciel pur ;
De dilater son cœur ainsi qu’une eau qui fume,
Et d’en faire envoler la nuée et la brume
A travers le limpide azur !

O Dieu ! que les amants sous les vertes feuillées
S’en aillent, par l’hiver pauvre ailes mouillées !
Qu’ils errent, joyeux et vainqueurs !
Que le rossignol chante, oiseau dont la voix tendre
Contient de l’harmonie assez pour en répandre
Sur tout l’amour qui sort des cœurs !

Que, blé qui monte, enfant qui joue, eau qui murmure,
Fleur rose où le semeur rêve une pêche mûre,
Que tout semble rire ou prier !
Que le chevreau gourmand, furtif et plein de grâces,
De quelque arbre incliné mordant les feuilles basses,
Fasse accourir le chevrier !

Qu’on songe aux deuils passés en se disant : qu’était-ce ?
Que rien sous le soleil ne garde de tristesse !
Qu’un nid chante sur les vieux troncs !

Nous, tandis que de joie au loin tout vibre et tremble,
Allons dans la forêt, et là, marchant ensemble,
Si vous voulez, nous songerons.

Nous songerons tous deux à cette belle fille
Qui dort là-bas sous l’herbe où le bouton d’or brille,
Où l’oiseau cherche un grain de mil,
Et qui voulait avoir, et qui, triste chimère !
S’était fait cet hiver promettre par sa mère
Une robe verte en avril.

Victor Hugo

 

Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame

 

Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame,
Viens ! ne te lasse pas de mêler à ton âme
La campagne, les bois, les ombrages charmants,
Les larges clairs de lune au bord des flots dormants,
Le sentier qui finit où le chemin commence,
Et l'air et le printemps et l'horizon immense,
L'horizon que ce monde attache humble et joyeux
Comme une lèvre au bas de la robe des cieux !
Viens ! et que le regard des pudiques étoiles
Qui tombe sur la terre à travers tant de voiles,
Que l'arbre pénétré de parfums et de chants,
Que le souffle embrasé de midi dans les champs,
Et l'ombre et le soleil et l'onde et la verdure,
Et le rayonnement de toute la nature
Fassent épanouir, comme une double fleur,
La beauté sur ton front et l'amour dans ton cœur !

Victor Hugo

 

 

 

Nuits de juin

 

L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.

Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.

 

Victor Hugo

 

 

En mai

Une sorte de verve étrange, point muette, 
Point sourde, éclate et fait du printemps un poëte ; 
Tout parle et tout écoute et tout aime à la fois ; 
Et l'antre est une bouche et la source une voix ; 
L'oiseau regarde ému l'oiselle intimidée, 
Et dit : Si je faisais un nid ? c'est une idée !
Comme rêve un songeur le front sur l'oreiller, 
La nature se sent en train de travailler, 
Bégaie un idéal dans ses noirs dialogues, 
Fait des strophes qui sont les chênes, des églogues 
Qui sont les amandiers et les lilas en fleur, 
Et se laisse railler par le merle siffleur ; 
Il lui vient à l'esprit des nouveautés superbes ; 
Elle mêle la folle avoine aux grandes herbes ; 
Son poëme est la plaine où paissent les troupeaux ; 
Savante, elle n'a pas de trêve et de repos 
Jusqu'à ce qu'elle accouple et combine et confonde 
L'encens et le poison dans la sève profonde ; 
De la nuit monstrueuse elle tire le jour ; 
Souvent avec la haine elle fait de l'amour ; 
Elle a la fièvre et crée, ainsi qu'un sombre artiste ;
Tout ce que la broussaille a d'hostile et de triste, 
Le buisson hérissé, le steppe, le maquis, 
Se condense, ô mystère, en un chef-d'oeuvre exquis 
Que l'épine complète et que le ciel arrose ; 
Et l'inspiration des ronces, c'est la rose.

Victor Hugo