Apologie à
L'Automne
J'ai vainement lutté contre ton charme,
Automne,
A ton impérieux attrait je
m'abandonne.
J'ai cru que je n'avais qu'à te fermer mon
cœur
Pour me soustraire au doux péril de ta
langueur,
Mais ta beauté sereine à jamais me
possède,
Et pareil à la feuille au vent puissant, je
cède...
Je ne puis pas ne pas t'aimer sans repentir
!
Je ne puis pas ne pas te voir ni te
sentir,
Puisque ta grâce grave en mes yeux est
entrée,
Et que de ta splendeur mon âme est pénétrée
!
En tes bras, que j'ai fuis par crainte d'y
mourir,
Prends-moi ! Berce mon cœur faible de trop
souffrir...
Endors-moi, si tu veux, pourvu que dans mon
rêve
J'entende murmurer l'arbre au vent qui
s'élève,
Et que je voie, au fond de l'horizon
pourpré,
Descendre avec lenteur le grand soleil doré
!
J'accepte ton sommeil, fût-il fatal à
l'âme,
Je le désire, Automne, et même le réclame
!
Et j'ai honte aujourd'hui des mots
présomptueux
Que proféra mon cœur subjugué, mais
peureux.
Je ne repousse plus, je subis et
j'appelle
Ton influence étrange, ô Saison la plus
belle,
O ciel baigné de brume où transparaît
l'azur,
O terre dépouillée où tombe le fruit mûr
!
Sur la ville bruyante et de laideur
punie,
Tu fais régner, Automne, une paix
infinie,
Et ton soleil couchant rayonnant sur les
toits
Rend toute chose pure et douce comme
toi.
Je t'aime, car tu mets ton cœur sur ma
pensée,
Comme une lune d'or sur une onde
apaisée...
Albert
Lozeau