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L’automne

 

Lâche comme le froid et la pluie,
Brutal et sourd comme le vent,
Louche et faux comme le ciel bas,
L’automne rôde par ici ;
Son bâton heurte aux contrevents ;
Ouvre la porte, car il est là.
Ouvre la porte et fais-lui honte.

 

Car je le connais bien, c’est lui
Qui vint l’autan avec des phrases,
Avec des sourires et des grappes,
Parlant du bon soleil qui luit,
Du vent d’été qui bruit et jase,
Du bon repos après l’étape ;

 

Il a soupé à notre table
 Je le reconnais bien, te dis-je,
Il a goûté au vin nouveau,
Puis on l’a couché dans l’étable
Entre la jument et le veau :
Le lendemain, l’eau était prise ;
Les feuilles avaient plu sous la gelée.
 Ferme la porte et les volets.

 

Qu’il passe son chemin, au moins,
Qu’il couche ailleurs que dans mon foin,
Qu’il aille mendier plus loin.
Avec des feuilles dans sa barbe
Et ses yeux creux qui vous regardent
Et sa voix rauque et doucereuse ;
À d’autres ! moi, je le reconnais,
Qu’il s’attife d’or ou qu’il gueuse.
 Rentre la cloche : s’il sonnait !
Prépare une flambée : j’attends
Le vieil hiver au regard franc.

 

Francis Vielé-Griffin