- Allégorie
- Chanson d'automne
Allégorie
Despotique, pesant, incolore,
l’Été,
Comme un roi fainéant présidant un supplice,
S’étire par l’ardeur blanche du ciel complice
Et bâille. L’homme dort loin du travail quitté.
L’alouette au matin, lasse, n’a
pas chanté.
Pas un nuage, pas un souffle, rien qui plisse
Ou ride cet azur implacablement lisse
Où le silence bout dans l’immobilité.
L’âpre engourdissement a gagné
les cigales
Et sur leur lit étroit de pierres inégales
Les ruisseaux à moitié taris ne sautent plus.
Une rotation incessante de
moires
Lumineuses étend ses flux et ses reflux…
Des guêpes, çà et là, volent, jaunes et noires.
Chanson d'automne
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens (1844-1896)