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Lettre d'amour de Victor Hugo à Juliette Drouet

 

 

Quand tu liras ce papier, mon ange, je ne serai pas auprès de toi, je ne serai pas là pour te dire : pense à moi ! Je veux que ce papier te le dise. Je voudrais que dans ces lettres tracées pour toi tu puisses trouver tout ce qu'il y a dans mes yeux, tout ce qu'il y a sur mes lèvres, tout ce qu'il y a dans mon coeur, tout ce qu'il y a dans ma présence quand je te dis : je t'aime ! - Je voudrais que cette lettre entrât dans ta pensée comme mon regard, comme mon souffle, comme le son de ma voix pour lui dire à cette charmante pensée que j'aime : n'oublie pas !

 

Tu es ma bien-aimée, ma Juliette, ma joie, mon amour, depuis trois ans bientôt !

 

Ecris-moi quand je ne suis pas là, parle-moi quand je suis là, aime-moi toujours !

 

(Il est deux heures du matin, j'ai interrompu mon travail pour t'écrire. Je vais le reprendre.) C'est que j'avais besoin de te parler, de t'écrire, de m'adresser à toi, de baiser en idée tes beaux yeux endormis, de te faire ma prière ! C'est que j'avais besoin de reposer mon esprit sur ton image et mes yeux sur un papier que tu verras !

 

Dors bien. (J'espère t'aller voir dès que j'aurai fini dans quelques heures. Il me semble que c'est bien long. Quelques heures ! Ce sera bien court quand je serai près de toi.)

 

Vois-tu, ma Juju, ils ont encore été bien beaux ces jours d'automne mêlés de pluie et de vent dont nous allons sortir. Ne nous plaignons pas de cette année. Elle a été bonne, radieuse et douce. Je pense seulement avec tristesse que tu as eu tes pauvres pieds mouillés et froids.

 

Tu es une noble créature aimante dévouée et fidèle. Je t'aime plus que je ne puis le dire. Je voudrais baiser tes pieds. Je veux que tu penses à moi.

 

A bientôt. T'aimer, c'est vivre.

 

 

                                       Victor Hugo

 

 

 

Lettre d'amour de Victor Hugo à Adèle Foucher

 

 

Adèle, sais-tu quelle est ma jalousie ? En as-tu bien pesé, avant de songer à lier ta vie à la mienne, toutes les exigences, toute la susceptibilité ? L'idée qu'un étranger avait obtenu de toi ce bonheur qui est si grand pour moi, que d'autres peut-être partageaient tous les jours mes privilèges auprès de toi, ces privilèges si innocents et qui font pourtant toute ma joie, cette idée s'empara de ma tête et me remplit de trouble. Il me sembla encore que tu trouvais tout simple ce qui m'affligeait si cruellement. Adèle, tout ce tourment, joint à la nécessité de me contraindre, me mit dans un état difficile à peindre. Je sortis, et depuis ces idées qui me poursuivent empoisonnent tout pour moi, jusqu'au plaisir de penser à toi.

 

Je me suis examiné sévèrement, car on a l'habitude de considérer la jalousie comme ridicule et sous ce rapport encore, je ne pense pas comme les autres. Je me suis demandé si j'avais tort, et non seulement je n'ai pu blâmer mon ombrageuse jalousie, mais j'ai même reconnu qu'elle était de l'essence de cet amour chaste, exclusif et pur que j'éprouve pour toi et que je tremble de ne t'avoir pas inspiré. Cet amour, chère Adèle, si tu ne le sens pas, tu es du moins faite pour le comprendre. Aussi suis-je sûr que tu ne riras pas de ce qui m'a causé une douleur si vive. Que je serais heureux d'être aimé comme je t'aime !

 

Il faut que j'aie une bien aveugle confiance en toi pour te dévoiler ainsi les plus intimes secrets de mon âme. Si je parlais à un être ordinaire, je craindrais qu'il ne vît dans ma jalousie une faiblesse, avec toi, je ne crains rien. Ce qui fait tout mon bonheur n'est pas assurément peu de choses à mes yeux, et tu ne dois pas t'étonner qu'il me soit impossible de le partager avec qui que ce soit.

 

Communément, la jalousie est un soupçon outrageant pour l'être qui l'inspire et avilissant pour celui qui le conçoit. Je ne te fais pas, chère amie, l'injure de croire que tu confondes avec cette brutalité des esprits vulgaires la délicatesse de l'amour impérieux que tu es si digne de faire naître. Ma jalousie est extrême, mais elle est respectueuse, je crois qu'elle m'honore, parce qu'elle prouve la pureté de ma tendresse. Si jamais ma femme me rendait jaloux par légèreté, j'en mourrais, mais je ne la soupçonnerais pas un seul instant.

 

Je t'ai parlé longuement de toutes mes idées là-dessus, parce que cette matière est importante. Ma jalousie, chère Adèle, doit te plaire, si elle t'effraie, tu ne m'aimes pas. Si tu me rencontrais, moi qui suis un homme, donnant le bras à une jeune fille, à une femme quelconque, cela te serait-il indifférent ? Réfléchis, car si cela t'est indifférent, je suis perdu, tu ne m'aimes pas. Voilà mes sentiments invariables. L'amour n'est ni vrai, ni pur, s'il n'est jaloux. Crois que ceux qui aiment toutes les femmes ne sont jaloux d'aucune. Chère et bien-aimée Adèle, tu m'as dit que tu m'aimais ; et jusqu'à ce que tu me dises le contraire, je veux le croire ; je veux m'attacher à cette délicieuse conviction comme à la seule croyance qui m'enchaîne encore à la vie.

 

Adieu, il faut bien t'aimer pour avoir écrit les deux pages que j'achève. Chère amie, dors bien. À demain.

 

 

                                     Victor Hugo

 

 

 

Lettre d’amour de Victor Hugo à Adèle Foucher

 

 

Voici le premier moment de joie de toute cette journée : je t'écris.

 

Adèle, il me semble qu'il y a un siècle que je ne t'ai vue. Je ne puisse figurer qu'hier à pareille heure je fusse encore près de toi. Hier, j'étais bien heureux ! Ô quand donc tous mes instants ; tous ! Se passeront-ils ainsi ? Quand serai-je ton compagnon de tous les jours ? Quand pourrai-je veiller sur toutes les heures de ta vie, sur toutes les heures de ton sommeil ?

 

Chère amie, il me semble que plus cette heureuse et mille fois heureuse époque approche, plus mon inquiète impatience redouble ! Si tu savais tout ce qui passe dans mon âme quand je songe à toi, à l'immense félicité qui me viendra de toi ! Je cherche en vain des mots, toutes mes idées restent confuses et ma tête n'est plus qu'un chaos d'amour, d'ivresse et de joie. Je crains, en vérité, que le jour où je pourrai m'écrier à la face de tous les hommes : elle est à moi, entièrement, uniquement et éternellement à moi ! Oui, je crains que ce jour-là mon être ne se brise de bonheur.

 

 

                                     Victor Hugo

 

 

Lettre d'amour de Victor Hugo à Léonie Biard

 

 

Samedi – trois heures du matin. Je rentre.

 

J'ai ta lettre. Cette douce lettre, je l'avais lue aujourd'hui dans tes yeux. Que tu étais belle tantôt aux Tuileries sous ce ciel de printemps, sous ces arbres verts, avec ces lilas en fleurs au-dessus de ta tête. Toute cette nature semblait faire une fête autour de toi. Vois-tu, mon ange, les arbres et les fleurs te connaissent et te saluent. Tu es reine dans ce monde charmant des choses qui embaument et qui s'épanouissent comme tu es reine dans mon coeur.

 

Oui, j'avais lu dans tes yeux ravissants cette lettre exquise, délicate et tendre que je relis ce soir avec tant de bonheur, ce que ta plume écrit si bien, ton regard adorable le dit avec un charme qui m'enivre. Comme j'étais fier en te voyant si belle! Comme j'étais heureux en te voyant si tendre !

 

Voici une fleur que j'ai cueillie pour toi. Elle t'arrivera fanée, mais parfumée encore ; doux emblème de l'amour dans la vieillesse. Garde-la ; tu me la montreras dans trente ans. Dans trente ans tu seras belle encore, dans trente ans je serai encore amoureux. Nous nous aimerons, n'est-ce pas, mon ange, comme aujourd'hui, et nous remercierons Dieu à genoux.

 

Hélas ! Toute la journée de demain dimanche sans te voir ! Tu ne me seras rendue que lundi. Que vais-je faire d'ici là ? Penser à toi, t'aimer, t'envoyer mon coeur et mon âme. Oh! De ton côté sois à moi! A lundi ! — à toujours ! »

 

 

                                  Victor Hugo